L'inceste dans le code pénal : les députés réaffirment leur engagement

Projet Publié le 25.01.2014

Le 24 janvier, lors du vote de la loi égalité entre les femmes et les hommes, les députés de la majorité et de l'opposition se sont engagés une nouvelle fois à travailler sur une proposition de loi visant à insérer l'inceste dans le code pénal. Najat Vallaud Belkacem, a affirmé le soutien du gouvernement pour cette proposition.

Depuis juillet 2013, Face à l'inceste tente d'insérer un amendement dans ce projet de loi dans le volet "violences faites aux femmes". Dans un premier temps, le Sénat a rejeté cet amendement. Suite à cela, Mr Sébastien Denaja, Rapporteur à l'assemblée nationale nous a auditionnés et s'est engagé à porter notre amendement visant à insérer l'inceste dans le code pénal.

En commission des lois le 18 décembre, le Rapporteur a présenté un amendement en ce sens (différent de notre proposition) et l'a immédiatement retiré. A la suite de discussions, les députés ont convenu de travailler ensemble sur une proposition de loi, et ce dans les meilleurs délais.

Cet engagement vient d'être réitéré le 24 janvier 2014 en séance publique.

AIVI, lutte depuis 2000 pour insérer l'inceste dans le code pénal comme un crime spécifique, supprimer la notion de consentement de l'enfant victime et rendre ce crime imprescriptible. (voir notre premier dossier argumentaire).

En 2010, une loi a été adoptée, insérant l'inceste dans le code pénal, dont nous n'étions pas satisfaits car elle n'allait pas assez loin, elle ne faisait pas de l'inceste un crime spécifique. Elle a été abrogée en septembre 2011 par le Conseil Constitutionnel.

La nouvelle législature en place, nous n'avons eu de cesse que de recommencer encore et encore, notre travail pour expliquer à nos dirigeants en quoi l'insertion de l'inceste dans le code pénal serait une véritable avancée pour notre société.

Nous sommes heureux de cet engagement, espérant qu'il se concrétisera dans les meilleurs délais, cette fois-ci, en concertation avec les victimes.

Par ailleurs, Mme Taubira, ministre de la justice, vient enfin de nous faire savoir qu'elle engageait une réflexion sur le sujet. Nous avons rencontré son cabinet il y a un an.

Voici la proposition d'amendement rédigée par Face à l'inceste en collaboration avec Yves Charpenel, premier avocat général à la Cour de Cassation de Paris.

Première proposition d’amendement pour la première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi n°1380 sur l’égalité des femmes et des hommes : insertion de l’inceste dans le Code Pénal

Proposition

Code pénal : Dans la section 3 : Des agressions sexuelles.

Insérer :

De l’inceste

Est inceste, tout acte de nature sexuelle – définit à l’article 222-23, du viol et 222-22, de l’agression sexuelle, du code pénal - commis sur un mineur par le père, la mère ou toute personne ayant l’autorité parentale, leurs ascendants et leurs descendants, leurs frères et leurs sœurs.

Le mineur ne peut consentir à l’inceste.

L’inceste est imprescriptible.

 

Arguments

Le Conseil Constitutionnel, par sa décision n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011, a abrogé le crime de viol incestueux, intimant au législateur de circonscrire et préciser dans la loi le terme de « famille ».  Car l’inceste est avant tout un crime spécifique du lien familial entre l’auteur et la victime. Réalisé sous emprise, ses effets psychiques sont plus dévastateurs que le passage à l’acte physique (53% des victimes d’inceste faut au moins une tentative de suicide). Il ne peut ainsi être éparpillé dans notre code pénal sous trois appellations restreintes à la pénétration ou non de la victime et à son consentement ou non consentement à savoir le viol, l’agression et l’atteinte sexuelles.

L’inceste n’étant pas nommé dans notre code pénal, la France ne dispose d’aucune politique préventive de ce crime qui touche deux millions de français (sondage IPSOS pour Face à l'inceste 2009). A l’instar du viol conjugal et du harcèlement sexuel, l’inceste doit être clairement spécifié dans nos lois afin de créer un dispositif de dépistage et de protection des enfants victimes et une prise en charge adaptée tout au long de leur vie. En effet, les séquelles de l’inceste sont si graves qu’elles peuvent provoquer la mort même 50 ans après les faits (Ace Study et sondage IPSOS pour Face à l'inceste 2010).

Cette nécessaire évolution permettra de prévenir l’inceste en mesurant son impact sur notre société (études, recherches et statistiques), en formant les intervenants dans les domaines concernés (social, éducatif, médical, judiciaire…), en créant un protocole de prise en charge des victimes mineures et majeures, en informant la population, en impliquant les ministères concernés (santé, éducation, famille, justice, intérieur, sports…) et pour cela, en débloquant les moyens humains et financiers à la mesure de ce crime. 

Notre système juridique actuel impose des investigations concernant le consentement de l’enfant pour qualifier le viol et l’agression sexuelle : menace, violence, contrainte et surprise doivent être démontrés. Nous devons abolir cette exigence inhumaine en considérant qu’un enfant ne peut consentir à l’inceste quel que soit son âge.

La réponse pénale à ce crime dévastateur doit être adaptée. L’inceste n’est pas un crime banal, le législateur doit prévenir la société de sa gravité en le traitant comme un crime exceptionnel donc en le rendant imprescriptible. Ainsi, il protègera l’enfant et l’enfance de ce tabou ( ce qu’il est interdit de faire et ce qu’il est interdit de dire)», véritable fléau volant à jamais la vie d’êtres humains en devenir, la vie d’enfants innocents.

La reconnaissance de l’inceste dans notre loi est un préalable à la prévention de ce crime, la prise en charge des victimes mais aussi à une sanction juste et adaptée. Plusieurs pays pénalisent déjà spécifiquement l’inceste comme le Canada, les USA, l’Allemagne, le Danemark, la Suisse.