A mon père

Témoignage Publié le 21.04.2006

A toi mon père, qui depuis ces 22 années m'a vu et me voit grandir comme sa fille, je souhaiterais tant briser cette loi du silence qui m'habite depuis toute petite, mais je ne peux pas, je n'y arrive toujours pas.

Il y a 7 ans, alors que l'on aurait pu penser que j'étais une adolescente normale, j'ai enfin pu mettre des mots sur mon mal intérieur. Toutes les difficultés que j'avais depuis mes 8 ans venaient du fait que j'avais été agressée sexuellement par ton ordure de père.
La révélation pour moi a été un moment très douloureux, mais un moment de soulagement où ta propre fille s'est sentie libérée de ce fardeau alors qu'elle n'avait jamais pris conscience de tout ce mal jusqu'alors.

Mais le pire était devant moi, le pire étant qu'au fil des ans, nous nous sommes peu à peu perdus. Perdus dans le sens où vous m'avez décue par vos comportements en voulant que je garde cette histoire pour moi et non en dévoilant la vérité pour être reconnue victime comme je le souhaitais.

Peu à peu, j'ai perdu votre soutien et la distance s'est installée entre nous : le froid glacial entre nous, le manque de confiance et de communication fait encore aujourd'hui le reflet de cette "famille" pas comme les autres.

Si aujourd'hui je ne crois plus en les valeurs d'une famille, c'est surtout parce que vous n'avez pas respecté mon droit qui était celui de porter plainte et ma personne.
Toutes les réflexions que j'ai reçu dans la figure à mon égard me laissent encore de marbre, même si j'ai appris à ne plus les recevoir.

A vous entendre, je vous en ai fait "bavé", je vous ai "pourri la vie" et tu m'as dit un jour que "tu te vengerais" (alors même si tu ne le pensais pas, la douleur des mots est très intense).
On dirait que j'ai fait les pires conneries de ma vie, mais je n'ai ni tué quelqu'un, ni braquer une banque, ni escroquer personne......
J'ai tout simplement voulu être moi-même et agir pour mon bien-être.

Tant de chemin parcouru depuis ces années de souffrances, mais la plus douloureuse est celle de t'avoir perdu, perdu en tant que père, père qui aurait du protéger sa fille et non la détruire à petit feu en lui donnant l'impression d'être responsable de ce qui est arrivé.

Tu as eu tant d'influence sur moi, j'éprouvais pour toi un tel respect, que j'ai refusé de voir cette réalité que tu m'avais bousillé et couper les ailes.
Je te respectais en pensant que ta souffrance était légitime, que tu avais le droit de te considérer comme la victime principale dans cette histoire et de part le mal que je te faisais.

Mais as-tu pensé une seule fois à ta fille dans cette histoire? T'es-tu mis une seule fois à sa place pour comprendre à quel point c'était insoutenable pour elle de voir ses propres parents la punir d'un mal qu'elle n'avait jamais cherché.
Votre fille vous aimait, et a tout fait dans votre intérêt. Seulement vous, vous avez fait le contraire et c'est cela qui a détruit en partie nos liens.

Alors qu'on ne me dise pas que j'ai été une mauvaise fille, j'ai toujours été "la plus sage des petites filles", la "plus timide", la "plus obéissante", mais la "moins rebelle".

Aujourd'hui, J'EN AI MARRE, marre de voir que l'on m'a confiné une seconde fois dans un silence qui m'a rongé une nouvelle fois.
Tu ne m'as même pas respecté en tant que fille et femme, comment pourrais-je continuer à t'aimer comme mon père, ce père exemplaire?

Tu t'es de part ta dépression mis à une place de victime qui n'aurait pas du être la tienne, et où j'ai assisté impuissante à ton mal-être sans prendre le mien en considération.

Alors aujourd'hui, que vous soyez d'accord ou non, que je perde mes parents ou non, je souhaite faire ce que je n'ai pu jusqu'à present accomplir, à savoir PORTER PLAINTE.

Porter plainte, pour qu'enfin l'on puisse rétablir l'ordre des choses, que je sois enfin considérée VICTIME et non la petite fouteuse de merde.