Face à l'inceste soutient l'ouverture d'un diplôme sur l'expertise en psychiatrie et psychologie de l'enfant

Actualité Publié le 08.08.2019

L’ Face à l'inceste a participé au premier Colloque sur l’expertise en pédopsychiatrie qui s’est tenu à la Faculté des Sciences de Paris le vendredi 14 juin 2019, dans le cadre de l’ouverture par l’Université Paris Descartes du Diplôme Universitaire (DU) « Expertise légale en pédopsychiatrie et psychiatrie de l’enfant ». Cette initiative répond à une urgence de formation dans un contexte où la France connaît une réelle crise de l’expertise, et où encore trop peu de psychiatres interrogeant des enfants dans le cadre d’enquêtes judiciaires sont formés à la spécificité de la pédopsychiatrie.  

 

Gérard Lopez, Président d’honneur de l’Institut de Victimologie, a insisté dès l’ouverture du colloque le refus d’argument d’autorité et la priorité au consensus. Le Docteur Benkemoun, co-coordinateur du DU, a rappelé l’importance des expertises légales : elles influent lourdement sur les décisions des magistrats, notamment sur les décisions de placement de l’enfant afin de le protéger d’un ou de plusieurs membres de la famille et sur la condamnation des agresseurs présumés.

Ces expertises sont par ailleurs essentielles pour prendre en compte la parole de l’enfant, parfois confronté à un véritable déni de justice. Se trouvant mis en position d’objet dans le conflit entre adultes ou voyant sa parole systématiquement mise en doute, l’enfant peut subir une double peine dans les violences auxquelles il est déjà confronté.

Pourtant, à ce jour, encore trop peu d’experts sont formés à l’exercice délicat et spécifique de l’expertise en pédopsychiatrie, qui nécessite des compétences recoupant, au-delà de maîtrise de la psychiatrie générale, celle de la médecine légale, du droit, et une réelle connaissance de la spécificité de la psychologie de l’enfant.  Celle-ci implique une technique d’audition non suggestive afin d’éviter que l’expert, notamment par un cadre d’accueil, une tournure des phrases constituant l’expertise, ou une posture insuffisamment adaptées, influe, malgré lui, l’enfant et ne puisse donc pas recueillir une parole ensuite pertinente pour l’enquête. Or, il est fréquemment constaté que le protocole NICHD, qui permet d’éviter la majorité des écueils, n’est pas assez utilisé aussi bien lors des expertises que lors des interrogatoires menés par la Brigade des Mineurs. Le docteur Benkemoun a attesté que mettre « son empreinte » sur la parole de l’enfant, c’est la décrédibiliser d’office.

Il a par ailleurs été rappelé qu’il est absolument essentiel durant le procès de respecter le contradictoire. Ce principe d'égalité et de loyauté entre les parties obligeant à soumettre tout élément ou pièce à la critique de la partie adverse permet de garantir les droits de l’enfant. Les avocats ont un rôle essentiel dans le développement de cette pratique, comme l’a attesté Me Pascal Cussigh, avocat au barreau de Paris.

Plusieurs cas cliniques présentés par Gérard Lopez et Maurice Berger, co-coordinateur du DU, enrichis par les interventions de la Mme Michèle Créoff, Présidente du Conseil National de la Protection de l’Enfance, ont mis en lumière les enjeux complexes des expertises et confirmé l’absolue nécessité d’une meilleure formation des parties prenantes dans les affaires de violences sur enfant. Les ruptures et déplacements successifs s’avèrent extrêmement néfastes pour le développement de celui-ci, ils produisent pathologies et handicap et peuvent venir amplifier une souffrance psychologique déjà engendrée par les violences potentiellement subies.

Lors de la Table Ronde des associations, réunissant Face à l'inceste , Le Collectif Féministe Contre le Viol, l’AMVIT, Enfance Majuscule, l’Enfant d’abord, et Coup de Pouce, il a été rappelé que 300 000 personnes étaient victimes de violences sexuelles chaque année, et que seulement 3 % des violeurs étaient condamnés. Isabelle Aubry, présidente de Face à l'inceste , a mis en lumière qu’alors qu’il y a 4 millions de victimes d’inceste en France, il n’y a eu en 2016 que 396 condamnations qualifiées d'incestueuses, dont 86 pour viol incestueux.

Le DU, par les savoirs qu’il apporte sur la suggestibilité de l’enfant, le processus mnésique, la maîtrise du protocole NICHD, le cadre légal des expertises, vient répondre à un besoin urgent de mieux faire entendre les enfants victimes de violences.

Les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes pour la rentrée 2019-2020.

Consultez le programme ici : https://aivi.org/vous-informer/telechargements/finish/19-divers/454-plaquette-de-presentation-du-du-expertise-legale-pedopsychiatrie.html